Protéger le droit de manifester

Les manifestations sont des outils précieux pour tenir tête aux autorités. Tout au long de l’histoire, elles ont été le moteur de certains des mouvements sociaux les plus puissants. Elles ont levé le voile sur des injustices et des atteintes aux droits humains, demandé des comptes et donné de l’espoir aux populations. 

Malheureusement, ce droit qui nous est si cher est attaqué et doit être défendu face à ceux et celles qui craignent le changement et veulent entretenir les divisions. Les gouvernements et autres instances de pouvoir trouvent sans cesse de nouvelles manières de réprimer les manifestations et de faire taire les critiques. La tendance mondiale est à la militarisation de la police, qui emploie la force de plus en plus abusivement contre les manifestant·e·s, et au rétrécissement de l’espace civique. Il devient donc plus difficile de se faire entendre sans se mettre en danger. 

La possibilité de manifester en toute sécurité est liée au droit de ne pas subir de discrimination. Le droit de manifester des personnes touchées par les inégalités et la discrimination, qu’il s’agisse d’âgisme, de racisme, de sexisme ou autre, est particulièrement menacé. Il est crucial que chacun et chacune puisse manifester sans danger et sans faire l’objet de discrimination. 

Dans sa nouvelle campagne phare, Protégeons les manifs, Amnesty International cherche à exposer au grand jour les violations du droit de manifester et à soutenir les mouvements du monde entier qui se battent pour changer les choses. Cette campagne demande aux États de se prononcer clairement en faveur de la protection des manifestant·e·s et de supprimer les obstacles et restrictions inutiles aux manifestations pacifiques.  

Pourquoi est-il important de manifester ?

Une petite action peut déclencher tout un mouvement. En unissant nos forces, nous pouvons instaurer un monde meilleur exempt d’inégalités. 

Les manifestations ont été un facteur décisif dans la reconnaissance de nos droits humains par les organes de pouvoir. De la Marche du sel contre le régime colonial britannique en 1930 aux manifestations Black Lives Matter de ces dernières années, le pouvoir citoyen refaçonne sans cesse notre monde. On ne peut compter le nombre de fois où des personnes se sont rassemblées et ont marqué l’histoire en obtenant des droits et libertés dont nous jouissons toujours aujourd’hui. 

Les manifestations peuvent se dérouler sur Internet ou hors ligne et prendre de multiples formes – grèves, défilés, veillées, sit-in ou actes de désobéissance civile –, mais elles sont toujours créatives et mues par un sentiment d’humanité partagée.

Ces stratégies et tactiques peuvent ouvrir la voie au progrès dans des domaines qui touchent à notre vie quotidienne, comme la gouvernance, les conditions de travail, ou encore la lutte contre le racisme, les discriminations et la destruction de l’environnement. 

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Manifestations pacifiques

Les gens ont le droit de manifester pacifiquement, et les États ont le devoir de faire respecter ce droit, de le faciliter et de le protéger. Ils ne doivent donc pas faire obstacle aux manifestations, à moins qu’ils considèrent légitimement qu’elles menacent la sécurité et les droits d’autrui.

Si la police tente d’arrêter ou de limiter une manifestation, son intervention doit être nécessaire et proportionnée. Autrement dit, elle doit faire plus de bien que de mal et représenter la solution la moins restrictive en termes de droits. 

Les autorités doivent plutôt chercher des manières de rendre les manifestations plus sûres en communiquant avec les organisateurs et organisatrices, en proposant des services tels que la gestion de la circulation et en facilitant l’accès aux premiers secours. 

Dans de nombreux cas, pourtant, c’est l’intervention des autorités qui fait qu’une action perturbatrice mais pacifique devient dangereuse et violente. 

Manifester est un droit humain

Lorsqu’une personne participe à une manifestation, elle exerce plusieurs droits humains universels. 

Outre les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, d’autres droits sont indispensables pour permettre aux gens de manifester pacifiquement, notamment les droits à la vie, à la liberté d’association et au respect de la vie privée, le droit de ne pas faire l’objet d’une arrestation et d’une détention arbitraires et le droit de ne pas subir de torture et d’autres mauvais traitements. 

Le droit de manifester n’est donc pas régi par une seule loi ou un seul traité. Il est protégé dans le droit international relatif aux droits humains par des dispositions énoncées dans différents traités internationaux et régionaux garantissant chacun de ces droits distincts qui se renforcent mutuellement. Ensemble, ces droits offrent aux manifestant·e·s une protection complète. 

La discrimination et la possibilité de manifester en toute sécurité

Nous avons toutes et tous le même droit de manifester pacifiquement, mais il ne faut pas oublier qu’il est plus difficile à exercer pour les personnes victimes de discriminations (par exemple d’âgisme, de sexisme et de racisme). 

Les minorités vulnérabilisées : les femmes, les enfants et les jeunes peuvent moins facilement participer à des manifestations en toute sécurité. En Afghanistan, par exemple, il est purement et simplement interdit aux femmes de participer à des manifestations. Dans d’autres pays, les femmes ont plus de risques de subir des violences liées au genre si elles décident de descendre dans la rue pour manifester. 

En nous rassemblant et en veillant à ce que tout le monde – y compris les personnes les plus discriminées – puisse prendre part de façon égale aux manifestations sans craindre de violence, nous pouvons créer un monde plus juste et égalitaire. 

Étude de cas : Des footballeuses musulmanes frappées d’interdiction de manifester en France

En France, un groupe de footballeuses musulmanes appelé Les Hijabeuses  a fait part à la police de son intention de manifester devant le parlement français. Les footballeuses voulaient protester contre des politiques existantes et contre une proposition de loi menaçant d’élargir des interdictions discriminatoires qui empêchaient les femmes de porter le voile pour participer à des compétitions sportives.  

La veille de la manifestation, la police a interdit l’événement en s’appuyant sur des stéréotypes stigmatisants concernant les musulmanes et sur la crainte infondée que la mobilisation déclenche des troubles et des violences.  

Un tribunal a finalement jugé cette interdiction illégale. Mais la manifestation avait déjà été annulée.   

L’histoire des Hijabeuses montre clairement comment les personnes déjà marginalisées et discriminées se heurtent à une réalité plus dure encore quand elles exercent leur droit de manifester. 

La police dans les manifestations

Depuis le début des années 2000, les interventions de la police et d’autres agents de l’État dans les manifestations sont de plus en plus militarisées. Cette militarisation prend différentes formes : l’armée est parfois déployée pour réprimer les manifestations, et la police peut être équipée de véhicules blindés, d’aéronefs de type militaire, de drones de surveillance, de pistolets et de fusils d’assaut, de grenades assourdissantes et de canons sonores. 

Les forces armées sont organisées, entraînées et équipées pour la guerre et la défense. Elles n’ont pas leur place dans les manifestations. La police doit quant à elle être formée aux techniques de désescalade, à la médiation et à la protection de la population. 

Les États tentent de justifier ce recours croissant à une force disproportionnée en présentant les manifestant·e·s comme des menaces à la sécurité publique, mais, en vérité, ces tactiques sont plutôt une manière d’intimider la population pour la réduire au silence. 

Équipement des forces de l’ordre utilisé comme des instruments de torture 

Parfois, les forces de l’ordre ont besoin d’utiliser des équipements pour protéger les manifestant·e·s pacifiques et assurer la sécurité des manifestations. Cependant, si cet équipement est utilisé de manière abusive, il peut menacer les droits fondamentaux des manifestant·e·s.

Les manifestant·e·s risquent de plus en plus de subir des blessures graves – voire même de mourir – aux mains des forces de sécurité. Cela est souvent dû à deux facteurs :

  • L’usage répandu d’outils conçus pour la torture
  • L’usage d’« équipement de police standard » d’une manière qui met en danger des personnes inutilement

Amnesty International fait campagne pour l’interdiction de la production d’instruments de torture tels que les appareils à électrochocs à contact direct et les matraques à pointes. Les équipements de ce type sont conçus spécifiquement pour infliger des douleurs et des souffrances intenses qui sont considérées comme des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ce qui est illégal au regard de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’ONU.  

Nous avons également recueilli des informations sur l’utilisation abusive d’« équipements de police standards », tels que des balles en caoutchouc et des matraques. Ces équipements peuvent avoir un rôle légitime dans le cadre de l’application des lois s’ils sont utilisés de manière responsable, mais on ne compte plus les cas de forces de police répressives qui les utilisent pour infliger des blessures qui pourraient être évitées aux manifestant·e·s.

Il faut de toute urgence instaurer des réglementations plus strictes pour empêcher les forces de l’ordre de torturer les manifestant·e·s.  

Cela implique d’interdire les instruments de torture, de contrôler le commerce des autres équipements, et de créer de meilleures lois pour veiller à ce que les équipements de police standards soient utilisés dans le respect des normes internationales en matière de recours à la force. 

Mettons un terme à la torture lors des manifestations

Demandez à votre gouvernement de soutenir la création d’un nouveau traité mondial visant à réglementer le commerce du matériel de maintien de l’ordre.

Que fait Amnesty International pour protéger le droit de manifester ?

Face aux menaces sans précédent contre le droit de manifester, Amnesty International a lancé une campagne mondiale destinée à contrer les efforts redoublés que certains États déploient pour saper nos droits fondamentaux. 

Cette campagne exposera les violations du droit de manifester et aidera les mouvements à demander des comptes aux responsables d’atteintes aux droits humains. 

En travaillant main dans la main, nous pouvons réellement changer les choses. Amnesty International a à cœur de soutenir activement les militant·e·s et les mouvements d’initiative citoyenne pour que leur voix porte plus loin.  

Joignez-vous à notre appel mondial pour protéger les manifestations et participez à notre campagne dès aujourd’hui. 

Qu’en est -il en Algérie ? 

Entre 2019 et 2020, des millions d’Algériennes et d’Algériens sont descendus dans la rue, pacifiquement, pour exprimer leurs opinions. Ces manifestations, d’une ampleur historique et d’un pacifisme exemplaire, ont été saluées à l’échelle internationale comme un modèle de mobilisation citoyenne.

L’Algérie est partie à plusieurs instruments internationaux qui garantissent le droit de réunion pacifique, notamment :

  • Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par l’Algérie en 1989, dont l’article 21 protège expressément la liberté de réunion pacifique.
  • La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifiée en 1987, qui affirme dans son article 11 le droit de réunion.
  • La Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits humains (1998), qui consacre le droit de manifester pacifiquement en tant qu’outil de revendication légitime.

En tant qu’État partie à ces traités, l’Algérie a l’obligation de respecter, protéger et faciliter l’exercice de ce droit, y compris en l’encadrant par une législation conforme aux normes internationales.

Sur le plan de la législation nationale, la Constitution de 2020 affirme clairement le droit de manifester dans son article 52 : « Le droit de réunion pacifique est garanti. Il s’exerce sur simple déclaration. »

Cette disposition marque une volonté politique de reconnaître ce droit comme fondamental, dans l’esprit des traités internationaux. Elle affirme également que l’exercice de ce droit ne doit pas être soumis à autorisation préalable, mais simplement à déclaration.

Cependant, la loi n°91-19 du 2 décembre 1991 relative aux réunions et manifestations publiques est toujours en vigueur. Elle prévoit des conditions restrictives, notamment l’obligation d’une autorisation préalable, ce qui est incompatible avec la Constitution de 2020 et les obligations internationales de l’Algérie.

Il est donc nécessaire de réviser cette loi, afin qu’elle :

  • Reflète l’esprit de la Constitution,
  • Supprime les obstacles administratifs excessifs,
  • Garantisse un encadrement clair et juste des manifestations pacifiques.

Pour honorer ses engagements internationaux et sa propre Constitution, l’Algérie doit aligner sa législation avec les normes du droit international et constitutionnel, en garantissant pleinement le droit de manifester pacifiquement. Cela renforce la confiance citoyenne et participe à une société plus juste et plus libre.

Rejoignez-nous pour protéger le droit de manifester

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