Au cours des six derniers mois, les gros titres ont surtout parlé de peur, de division et de haine. Cependant, dans le monde entier, des militant·e·s œuvrent pour que l’espoir prenne le dessus. Voici certaines des victoires pour les droits humains obtenues entre janvier et juin 2025 dont nous pouvons être fiers.
Janvier
Cameroun. Dorgelesse Nguessan a été libérée le 16 janvier après avoir passé plus de quatre ans en prison pour avoir participé à une manifestation. Cette coiffeuse et mère célibataire n’avait jamais été active dans le domaine politique, mais son inquiétude croissante quant au coût de la vie l’a incitée à participer à un rassemblement. Elle a été poursuivie pour insurrection, jugée par un tribunal militaire et condamnée à cinq ans d’emprisonnement le 7 décembre 2021.
Son cas a été présenté dans le cadre de la campagne Écrire pour les droits 2022 d’Amnesty International. Plusieurs milliers de sympathisant·e·s ont alors appelé à sa libération. Amnesty International a en outre fourni une aide d’urgence temporaire pour soutenir Dorgelesse et sa famille pendant la difficile période de sa détention. Le 16 janvier, la cour d’appel a réduit sa peine.
« Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait quand j’ai été détenue arbitrairement, a déclaré Dorgelesse. Je remercie toutes les personnes qui travaillent directement ou indirectement pour votre organisation et ont contribué à ma libération. »
Chili. Le 2 janvier, deux policiers ont été condamnés à des peines d’emprisonnement pour avoir tiré sur le militant Renzo Inostroza et lui avoir fait perdre un œil. Le tribunal a estimé que leurs actions avaient violé à la fois la réglementation nationale et les obligations internationales du Chili. Cette condamnation a créé un précédent dans la lutte pour que la justice chilienne retienne la responsabilité pénale des policiers dans leurs actions illégales. Elle fait suite au rapport historique d’Amnesty International intitulé Eyes on Chile, qui analysait les pratiques systématiques et certains cas individuels de violence policière pendant la période d’agitation sociale qui a eu lieu à partir d’octobre 2019 dans le pays. Le cas de Renzo était cité dans ce rapport.
Arabie saoudite. Entre janvier et février, Amnesty International s’est mobilisée avec succès pour la libération de plusieurs défenseur·e·s des droits humains en Arabie saoudite. Le 7 janvier, le défenseur des droits humains et ancien prisonnier d’opinion Mohammed al Qahtani, a bénéficié d’une libération conditionnelle après avoir passé 12 ans derrière les barreaux en raison de son travail en faveur des droits humains. Le 13 février, Asaad bin Nasser al Ghamdi, enseignant de 47 ans, a été libéré après plus de deux ans d’incarcération à l’issue d’un procès inique devant le Tribunal pénal spécial. Arrêté en 2022, il avait été condamné à 20 ans de prison pour ses publications sur les réseaux sociaux critiquant le programme Vision 2030 du gouvernement. Le 10 février, Salma al Shehab, étudiante en doctorat à l’université de Leeds et mère de deux enfants, a été libérée après avoir purgé une peine injuste de quatre ans d’emprisonnement. À l’issue d’un procès manifestement inique, le Tribunal pénal spécial l’avait déclarée coupable d’infractions liées au terrorisme pour avoir publié des tweets en faveur des droits des femmes.
États-Unis. Les autorités américaines ont sanctionné un certain nombre d’entreprises impliquées dans le transfert d’armes à destination du Soudan, et notamment du Darfour. Ces sanctions ont fait suite à un rapport d’enquête publié en juillet 2024 par Amnesty International qui, en associant des données commerciales et l’analyse de vidéos, a démontré que l’importation constante par le Soudan d’armes fabriquées dans d’autres pays alimentait les souffrances incessantes de la population civile.
Février
Algérie. Grâce au travail de plaidoyer continu d’Amnesty International Algérie et de plusieurs organisations nationales de défense des droits des femmes, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a annoncé une série de mesures concrètes pour lutter contre les violences faites aux femmes – un engagement qu’il avait pris.
Le ministère de la Solidarité a depuis ouvert une permanence téléphonique nationale gratuite, joignable 24h/24 et 7j/7 dans tout le pays, qui permet aux victimes de signaler des violences, d’être orientées vers des structures adaptées et de recevoir une aide d’urgence en cas de danger immédiat. Ce dispositif a déjà montré son efficacité. Un guide pour les femmes victimes de violence, publié en arabe et en anglais, est actuellement distribué à l’échelle nationale. De nouvelles mesures juridiques, notamment la possibilité de prononcer une ordonnance de protection avec effet immédiat contre les auteurs présumés de violences, ont également été annoncées.
Ces avancées ont fait suite à la publication d’un rapport de l’organisation sur les expulsions forcées au Bénin en décembre 2023 et à une campagne diffusée ensuite pour demander une indemnisation adéquate des personnes injustement expulsées, qui ont joué un rôle crucial dans ce résultat positif.
Chine. Idris Hasan, un homme ouïghour qui était détenu au Maroc depuis trois ans et demi et risquait une extradition vers la Chine, a finalement été libéré en février.
Amnesty International menait campagne en faveur de sa libération depuis qu’il avait été arrêté en juillet 2021. Zaynura Hasan, son épouse, a remercié l’organisation pour son soutien sans faille.
« Merci beaucoup à tous et toutes ; sans votre aide, nous n’aurions pas pu sauver mon mari. »
Sénégal. Le gouvernement sénégalais a invité Amnesty International à fournir un soutien et de l’aide aux personnes arrêtées pour avoir participé à des manifestations ainsi qu’à d’anciens détenus, ce qui constitue une avancée.
Depuis 2021, l’organisation a dénoncé le recours illégal à la force par les forces de sécurité lors des manifestations, établi une liste des personnes tuées dans ces circonstances et condamné la détention arbitraire de centaines de personnes ayant manifesté ou appelé à manifester. Selon les chiffres recueillis par Amnesty International et d’autres organisations de la société civile, au moins 65 personnes ont ainsi été tuées, par balle pour la plupart, et au moins 1 000 autres ont été blessées. Environ 2 000 personnes ont en outre été arrêtées.
Amnesty International continue d’appeler à l’abrogation de la loi d’amnistie adoptée par l’ancien gouvernement, afin que les victimes et leurs proches puissent obtenir justice et réparation.
Turquie. Taner Kılıç, avocat défenseur des droits des personnes réfugiées et ancien président d’Amnesty International Turquie, a enfin été acquitté après une procédure judiciaire qui a duré près de huit ans.
Arrêté en juin 2017 et maintenu en détention pendant plus de 14 mois, il avait été déclaré coupable d’« appartenance à une organisation terroriste » en 2020 malgré l’absence totale de preuves crédibles et condamné à plus de six ans de prison. Amnesty International a fourni une aide d’urgence à Taner et sa famille pour faire face aux difficultés liées à son emprisonnement.
Après sa libération, il a déclaré : « Pour moi, ce cauchemar qui a duré pendant près de huit ans est enfin terminé […]. La seule chose dont j’étais sûr tout au long de ce processus était que j’avais raison et que j’étais innocent, et le soutien reçu du monde entier m’a donné de la force. Je remercie chacune des personnes qui ont pris ma défense. »
Mars
Philippines. L’ancien président philippin Rodrigo Duterte a été arrêté par la police sur la base d’un mandat d’arrêt décerné par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité.
Des milliers de personnes, majoritairement issues de milieux pauvres et marginalisés, ont été tuées illégalement par la police – ou par des individus armés soupçonnés d’avoir des liens avec la police – durant sa « guerre contre la drogue ». Amnesty International appelait à son arrestation depuis plusieurs années et a décrit celle-ci comme une « avancée remarquable et attendue depuis longtemps » pour la justice. Rodrigo Duterte doit maintenant être jugé devant la CPI.
Juin
Conseil de l’Europe. À la suite d’un travail de plaidoyer mené sans relâche par Amnesty International et la Fondation de recherche Omega, le Comité directeur pour les droits de l’homme du Conseil de l’Europe a adopté un rapport sur la mise en œuvre de mesures contre le commerce de biens utilisés pour la peine de mort, la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Nigeria/Royaume-Uni. Après un combat judiciaire de plus d’une décennie, un tribunal britannique a estimé que la compagnie pétrolière Shell pouvait être tenue pour responsable des déversements et fuites d’hydrocarbures qu’elle n’avait pas nettoyés dans le delta du Niger, quelle que soit leur ancienneté.
Ce jugement marque un grand pas en avant vers la justice pour les personnes vivant dans cette région du Nigeria et un espoir crucial de voir Shell payer pour les ravages de la pollution qu’elle a causée sur les terres des communautés Ogale et Bille.
Parallèlement, le gouvernement nigérian a accordé une grâce à titre posthume aux « neuf Ogonis ». Les membres de ce groupe de militant·e·s mené par Ken Saro-Wiwa, auteur et militant nigérian, ont été exécutés il y a 30 ans par un régime qui voulait cacher les crimes de Shell et d’autres compagnies pétrolières qui détruisaient la vie et les moyens de subsistance de dizaines de milliers de personnes dans le delta du Niger.
Depuis de nombreuses années, Amnesty International apporte son soutien et mène campagne en faveur de la justice pour les « neuf Ogonis ». L’organisation a rendu compte de la destruction laissée par Shell dans une série de rapports ayant eu un fort impact. Ces mesures constituent des avancées majeures, mais il reste encore beaucoup à faire pour que justice soit rendue à la population du delta du Niger, notamment en amenant Shell et les autres compagnies pétrolières à rendre des comptes pour les dommages qu’elles ont causés et continuent de causer – et Amnesty International sera là à chaque étape !
Ukraine. Le 24 juin, le président Volodymyr Zelensky et le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Alain Berset, ont signé un accord prévoyant la création d’un Tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine à Strasbourg, à la suite des appels lancés par Amnesty International et d’autres organisations. Nous espérons que cette mesure contribuera à amener les responsables du crime d’agression à rendre des comptes.
États-Unis. Le 9 mars, les services de l’immigration des États-Unis ont arrêté illégalement et placé arbitrairement en détention Mahmoud Khalil, militant palestinien titulaire du statut légal de résident permanent et organisateur de manifestations étudiantes qui avait récemment obtenu son diplôme à l’université Columbia. Mahmoud a été pris pour cible en raison de son rôle dans les manifestations étudiantes à Columbia, lors desquelles il exerçait son droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Il n’a été inculpé d’aucune infraction, mais il a été enfermé dans un centre de détention et les autorités l’ont informé qu’elles avaient « révoqué » sa résidence permanente et engagé une procédure d’expulsion contre lui. Amnesty International a demandé aux autorités de le libérer immédiatement et de respecter ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique et à une procédure régulière. Après avoir passé 104 jours dans un centre de détention des services de l’immigration situé en Louisiane, Mahmoud Khalil a été libéré sous caution le 21 juin. Il reste toutefois sous la menace d’une expulsion par les autorités américaines. Il a depuis engagé une procédure judiciaire dans laquelle il demande 20 millions de dollars de dommages et intérêts au gouvernement de Donald Trump.