Tribune publiée le samedi 25 novembre sur TSA.
En tant qu’associations algériennes de défense des droits des femmes et des droits humains, nous appelons à une réelle participation de la société civile dans la mise en œuvre des engagements internationaux pris par l’Algérie au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU en mars 2023.
Malgré les avancées, telles que l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)[1] par l’Algérie en 1996, la ratification du Protocole (Maputo)[2] en 2017. Ainsi que l’amendement constitutionnel de 2020[3] qui prévoit, dans son article 40, la protection des femmes contre toute forme de violence en tout lieu et en toute circonstance. Il est alarmant de constater que la réalité demeure inchangée pour les femmes victimes de violences et qu’elles ne sont toujours pas concrètement protégées.
En maintenant des réserves sur les dispositions internationales, et en l’absence d’une loi préventive et de textes d’application spécifiques, les engagements internationaux et les avancées juridiques demeurent purement formels, révélant ainsi une nette discordance entre le droit et le fait, entre la règle de droit et sa pratique effective.
Les violences à l’égard des femmes, enracinées dans notre société, sont visibles à travers les chiffres, 12 616 cas des violences ont été enregistrés par la DGSN entre 2021 et 2022. Et les féminicides témoignent que les femmes Algériennes sont trop souvent victimes de souffrances intolérables.
Depuis des décennies, des associations de défense des droits des femmes revendiquent le droit à l’égalité dans tous les domaines de la vie. Elles n’ont pas cessé d’organiser, dans différentes régions du pays, des rassemblements, des marches, des sit-ins, des conférences de presse et des campagnes de sensibilisation contre les violences pour alerter les autorités et sensibiliser la société.
En 2020, FACE, ensemble regroupant des associations de femmes pour un Changement pour l’Egalité, avait publié une lettre ouverte,[4] adressée aux autorités pour lutter contre les violences à l’égard des femmes et pour la prévention des féminicides, avec des propositions prêtes à être mises en œuvre, mais cet appel n’a pas eu d’écho. La même année, l’association Djazairouna[5] a proposé, une charte des droits des victimes de violences sexuelles durant le processus pénal et avait soumis des propositions visant à modifier le code pénal, en introduisant de nouvelles définitions et articles concernant les violences sexuelles qui ne sont pas pénalisées en Algérie. Cette proposition n’a malheureusement pas eu d’écho non plus.
Selon Féminicides Algérie[6], entre 2019 et 2022, au moins 228 femmes ont été victimes de féminicide en Algérie. Le collectif a recensé et documenté ces cas, mais le chiffre serait beaucoup plus élevé selon la même source. Depuis plusieurs années, des associations et des militantes féministes appellent à reconnaître le féminicide comme crime spécifique contre les femmes. Elles demandent la prise en charge des femmes victimes de violences, la suppression de la « clause du pardon » prévu dans le code pénal, la suppression rapide de l’article 66 du code de la famille, et surtout l’abrogation pure et simple du code de la famille qui est discriminatoire et anticonstitutionnel.
L’Algérie lors de son 4e examen périodique universel (EPU), a accepté 216 recommandations sur 290 incluant 14 thématiques des droits humains, dont 44 sont consacrées à la promotion et à la protection des droits des femmes[7], ainsi qu’à la lutte contre les violences à l’encontre des filles et des femmes.
L’Etat a accepté 18 recommandations relatives à : La définition juridique du viol, la création de plus de centres d’accueil pour femmes victimes des violences, le renforcement des ressources des institutions chargées d’appliquer le cadre législatif, le renforcement de la formation de ses agents dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, y compris dans la sphère privée.
Ces recommandations devraient être opérationnelles avant 2026, délais du 5e Examen Périodique de l’Algérie. C’est pourquoi, nous, associations de défense des droits des femmes, féministes, expertes et universitaires, nous appelons à saisir cette occasion pour réaliser des changements significatifs. Nous rappelons que la participation des acteurs clés de la société civile dans toute sa diversité en tant que partenaires dans la mise en œuvre des recommandations est une obligation de l’Etat algérien, exigée par le mécanisme des Nations Unies.
Il est capital que les associations, présentes depuis des décennies sur le terrain, et ayant déjà identifié les lacunes de la législation ainsi que les pratiques constituant de véritables obstacles à la pleine protection des femmes, soient consultées. Leurs propositions et solutions représentent des ressources inestimables pour faire avancer la cause des droits des femmes. Depuis des années, leurs appels, pour une meilleure protection des femmes, se sont heurtés à une surdité totale des autorités.
Il est également primordial de faire participer activement les premières concernées dans l’élaboration de politiques publiques cohérentes et de mécanismes concrets pour que la protection des femmes devienne une réalité palpable, une conquête tangible.
Aujourd’hui, c’est de notre responsabilité à toutes et à tous, de transformer la vie de milliers de femmes par la lutte contre les violences, afin d’assurer la protection et l’égalité des droits.
Liste des organisations de la société civile :
- Réseau Wassila AVIFE
- Amnesty International Algérie
- Djazairouna
- Le Journal Féministe Algérien
- Féminicides Algérie
Liste des signataires :
1- Ahmine Noureddine – Avocat
2- Aïn-Séba Nagète – Universitaire
3- Ait hamou Louiza- Universitaire, militante féministe
4- Akli Amel – Coordinatrice associative et Féministe
5- Alili yamina – Avocate
6- Alioua Fatma- Sociolinguiste
7- Amel Zen – Artiste
8- Amina AISSI – Animatrice productrice chaine 3 Radio Algérienne
9- Amokrane Lakhdar – Médecin
10- Awres Wiame – Militante féministe, cofondatrice Féminicides Algérie
11- Azeggagh Maya- Chargée de mission
12- Bahia Bencheikh El Fegoun – Cinéaste
13- Baïr Yamina- Journaliste
14- BEDHOUCHE Farès – Président d’Amnesty International Algérie
15- Bekhti Aouicha – Avocate et militante féministe
16- Belakhdar Naoual- Universitaire
17- Benali Arezki – Enseignant
18- Benaoun Elhadj- Militant
19- Benayad chérif Lilette-Chef de projets associatifs et présidente nationale de l’association
RACHDA
20- Benfodil Moustapha- auteur et journaliste
21- Benketira Nadira- Médecin
22- Benmebarek Wassila – Enseignante universitaire
23- Bensaad Ali – Professeur Des Universités
24- Benseddik Nacera- Professeur Docteur Histoire et Archéologie Afrique antique
25- Bouatta Chérifa- Professeure des Universités, militante féministe
26- Boubekeur Amel – Sociologue
27- Boucetta Amel – Consultante
28- Bouchenaf Dalila- Coordinatrice de projet
29- BOUCHENAF Farida – Cadre de développement : Consultante
30- Boufroura smail – Retraité de l’enseignement
31- Boulesnam Sofia – Coordinatrice campagnes
32- Boumendjel Chitour Fadela – Professeure faculté de médecine et militante féministe
33- Boussaïd Khadidja – Chercheure Universitaire, militante féministe
34- Malika Boussouf – Journaliste
35- Chabour Smail Aldjia- Psychothérapeute
36- Chami Malika – Pharmacien à la retraite
37- Chater Aid – Freelance
38- Cheballah Amna- Féministe et écoféministe du collectif Grana Nostra
39- Chekkal Ali – Agent marketing
40- Chellal Feriel- Project Assistant
41- Cherchalli safya- Professeur univesitaire retraitée
42- Chergui Nazim Omar – Fonctionnaire
43- Cherifati Doria – Retraitée
44- Chouicha Adel- Defenseur des droits Journaliste Manager C24press
45- Dehiles Ali – Ingénieur aéronautique
46- Djabi Nacer – Sociologue
47- Djadel Celia – Médecin généraliste
48- Djahnine Habiba- Féministe, réalisatrice, auteur
49- Djelloul Ghalya- Chercheuse
50- DJERBAL DAHO – Professeur Retraité
51- Elmamri Atika – Présidente de la fédération algérienne des personnes handicapées
52- Fersaoui Abdelouaheb- Militant politique
53- Gacem Mira – Créatrice de contenu histoire/ Auteure
54- Ghettas Mohamed Anouar-Militant
55- Graïne Yasmine – Enseignante universitaire
56- GUEMRICHE Salah – Ecrivain
57- Guettal Nassima- Ingénieur
58- Hadjadj Amel- Présidente de la fondation du journal féministe algérien
59- Hamoumraoui Sonia- Journaliste
60- Iamarene Dalila- Présidente Réseau Wassila/Avife
61- Idir Fares – psychologue artiste
62- Ikhlas Abed Reguieg – Cheffe de projet
63- Izarouken Amina – Militante féministe
64- Kadi Ilhem – Designer
65- KAMECHE Dalila- Maîtresse de conférences
66- Kebouchi Amira – Docteur Vétérinaire
67- Kenza Khatto – Journaliste
68- Kheddar Cherifa – Présidente Association Djazairouna
69- Kheddar Fatma Zohra – Secrétaire Générale Association
70- Kouafi abdelkader – SG. Snateg SG.cosyfop
71- Labbize Souad – Autrice
72- Laib Youcef-Professeur et président d’association
73- Lakehal Hiba – Ingénieur
74- Larabi Samir – Doctorant en sociologie
75- LERARI Soumeya- Cadre chez SGS Ibérica
76- Ludmila Akkache – Militante féministe et réalisatrice
77- Madjeda zouine – Journaliste
78- Mansour lynda- Militante
79- Mansouri Nadia – Enseignante retraitée
80- Medjahed Faïka -Psychanalyste
81- Mokhtari Nardjes – Eco entrepreneuse et formatrice en up cycling
82- Mokhtari Rafika– architecte
83- Mouzai Wassila – Commissaire aux Comptes
84- Nadia Leila Aissaoui – Militante féministe
85- Nasri Wissem – Chercheur
86- Negrouche Samira- Écrivain – Médecin
87- Ouabadi maya – Éditrice
88- Ouadah Fadia Katia – Dentiste
89- Ouarek Nadia- Psychologue
90- Ouissam Afif Affaf – Secrétaire générale adjointe
91- Oulemane Djamel Eddine – Médecin retraité et artiste
92- Oussedik Fatma- Sociologue
93- Oussedik Hassina – Directrice Amnesty International Algérie
94- Radia Boussouf – Architecte
95- Rahem nadjoua – Journaliste
96- Remal salima – Ingénieure
97- Saadna Leïla – Réalisatrice
98- Sahraoui mohamed amine – Militant
99- SAI Ferroudja – Informaticienne
100- Saidi khelil Ferial- Juriste
101- Souidi warda – Enseignante
102- Taleb Ibrahimi Khaoula – Professeure des universités
103- Tounsi Maroua – Étudiante
104- Ziani Dalila – Retraitée et bénévole dans l’humanitaire
[1]– Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : https://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/cedaw25years/content/french/Convention-CEDAW-French.pdf
[2]– Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples Relatif aux Droits des Femmes : https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/65556/63007/F2037633474/ORG-65556.pdf
[3]– Constitution de la République Algérienne : https://www.joradp.dz/TRV/FConsti.pdf
[4]– Femmes Algériennes pour Changement vers l’Egalité FACE : https://www.facebook.com/collectif.face?locale=fr_FR
[5]– Djazairouna : https://www.djazairouna-dz.com/
[6]– Féminicides Algérie : https://feminicides-dz.com/
[7]– Amnesty International Algérie : Tableau des recommandations EPU23/ Droits des femmes : https://www.aialgerie.org/wp-content/uploads/2023/11/Recommandations-EPU-Algerie-2023-1.pdf?fbclid=IwAR2dgUv2k6OUMLgSSJ1kjK8AubdK7D62HuYIN4LpNGTKfu8wQ73_XBPcmLg