ISRAËL/TPO. Les autorités israéliennes doivent libérer Walid Daqqah immédiatement

Les autorités israéliennes doivent libérer Walid Daqqah, prisonnier palestinien en phase terminale, afin qu’il puisse bénéficier de soins médicaux spécialisés et passer le temps qui lui reste avec sa famille, a déclaré Amnesty International le 16 août 2023. Âgé de 62 ans, Walid Daqqah souffre d’une affection pulmonaire chronique et d’un cancer de la moelle osseuse, et la clinique de la prison israélienne d’Ayalon n’est pas bien équipée pour traiter ses problèmes de santé. Lorsque son cancer a été diagnostiqué l’an dernier, les Services pénitentiaires israéliens l’ont privé de la possibilité d’une greffe de moelle osseuse qui aurait pu lui sauver la vie en refusant de le transférer vers un hôpital civil.

L’affaire concernant Walid Daqqah illustre la cruauté du système judiciaire israélien à l’égard des Palestinien·ne·s, y compris ceux qui sont gravement malades ou mourants.

Heba Morayef, directrice du programme régional Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

«L’état de santé de Walid Daqqah a déjà été aggravé par la négligence médicale des Services pénitentiaires israéliens : lorsqu’il a eu une attaque plus tôt cette année, ils ont refusé de le transférer vers un hôpital adéquat pendant 11 jours, un délai qui s’est traduit par des complications engageant son pronostic vital. Aujourd’hui, l’horizon de Walid Daqqah se résume à la perspective d’une mort douloureuse derrière les barreaux, a déclaré Heba Morayef, directrice du programme régional Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Refuser aux prisonniers l’accès à des soins médicaux adéquats est contraire aux normes internationales relatives au traitement des détenus et peut constituer un acte de torture. Les autorités israéliennes doivent libérer Walid Daqqah pour raisons humanitaires dès que possible et veiller à ce qu’il reçoive les soins médicaux dont il a besoin en urgence. »

Walid Daqqah a purgé une peine de 37 ans de prison pour avoir participé à un groupe armé qui a enlevé et tué un soldat israélien en 1984. Il a terminé sa peine en mars 2023. Toutefois, en 2018, il a été condamné à deux années supplémentaires pour avoir tenté de fournir en contrebande des téléphones à d’autres prisonniers palestiniens. Il doit désormais être libéré en mars 2025 – une date qu’il ne verra probablement pas.

Le 26 juin 2023, un Comité spécial des libérations conditionnelles a rejeté sa requête de libération anticipée aux motifs de sa maladie. Le 7 août 2023, le tribunal de district de Lod a rejeté le recours qu’il a déposé contre la décision du Comité.

Le rapport 2022 d’Amnesty International sur l’apartheid d’Israël envers le peuple palestinien explique que le système israélien de justice militaire exerce une discrimination systématique à l’égard des Palestinien·ne·s et les prive du droit à un procès équitable et à une procédure régulière.

Négligence médicale

En 2022, on a diagnostiqué à Walid Daqqah une myélofibrose, une forme rare de cancer de la moelle osseuse. Il souffre également d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Les Services pénitentiaires israéliens ayant tardé à le transférer pour un traitement d’urgence après son accident vasculaire cérébral en février, Walid Daqqah a souffert d’une série de complications, notamment de pneumonie et d’insuffisance rénale, et a dû subir une ablation de la plus grande partie de son poumon droit.

Amnesty International a examiné un bilan médical du cas de Walid Daqqah effectué par l’hématologue israélien Moshe Gatt, dont l’opinion a été sollicitée par Physicians for Human Rights Israel (Médecins pour les droits humains – Israël) en janvier 2023. Alors que l’état de santé de Walid Daqqah s’est dégradé, les Services pénitentiaires israéliens ont continué d’ignorer la recommandation du Dr Gatt, qui préconisait de le transférer dans un environnement propre et hygiénique.

Son épouse, Sanaa Salameh, a déclaré à Amnesty International que son mari avait été victime d’une négligence médicale « systématique » et de longue durée en prison.  

En outre, Amnesty International a consulté un rapport medical réalisé par Dmitry Klotzky, médecin-chef aux Services pénitentiaires israéliens, qui a déclaré que le pronostic de Walid Daqqah était « extrêmement faible » et qu’il avait besoin d’aide pour ses activités quotidiennes.

Des organisations palestiniennes de défense des droits humains comme Addameer recensent depuis longtemps la politique israélienne de négligence médicale à l’égard des prisonniers palestiniens. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le rapporteur spécial de l’ONU pour les droits humains dans les territoires palestiniens occupés ont également exprimé leur inquiétude quant au traitement réservé par les Services pénitentiaires israéliens aux prisonniers palestiniens malades.

L’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) dispose que les détenus doivent « recevoir des soins de même qualité que ceux disponibles dans la société et avoir accès aux services nécessaires sans frais et sans discrimination fondée sur leur statut juridique ».

Isolement cellulaire à titre punitif

Walid Daqqah, citoyen palestinien d’Israël, a été arrêté en mars 1986. L’année suivante, un tribunal militaire l’a reconnu coupable d’avoir commandé un groupe affilié au Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP), qui avait enlevé et tué le soldat israélien Moshe Tamam en 1984. Il n’a pas été reconnu coupable d’avoir commis le meurtre lui-même, mais d’avoir ordonné à d’autres membres du groupe de le supprimer. Walid Daqqah affirme avoir été soumis à la torture et à des mauvais traitements au cours de son interrogatoire. Il a été condamné à la détention à perpétuité, mais en 2012, cette peine a été ramenée à 37 ans et il a fini de la purger en mars 2023.

Amnesty International condamne l’homicide de Moshe Tamam en tant que violation de l’interdiction absolue inscrite dans les Conventions de Genève de porter atteinte à la vie et à la personne des membres des forces armées ayant déposé les armes, notamment ceux qui se trouvent en captivité.

Durant sa détention, Walid Daqqah a écrit de nombreux essais sur l’impact de l’incarcération sur la société palestinienne, un roman pour jeunes adultes et de nombreuses lettres décrivant la vie en prison – dont une a été adaptée en pièce de théâtre. Après la publication de son roman, les Services pénitentiaires israéliens l’ont placé à l’isolement à titre punitif.

Les autorités israéliennes ont maintes fois rejeté les demandes de visites conjugales de Walid Daqqah et de sa femme Sanaa. Tous les Palestinien·ne·s classés dans la catégorie des personnes détenues pour des « raisons de sécurité » se voient refuser ce droit – qui est généralement accordé aux prisonniers israéliens juifs classés dans la même catégorie. En 2019, Walid et Sanaa ont réussi à concevoir un enfant en faisant sortir clandestinement du sperme de la prison, et leur fille Milad est née en 2020. Walid a été placé à l’isolement après la naissance de Milad et n’a pas été autorisé à voir son enfant pendant les 18 premiers mois de sa vie.

La famille de Walid Daqqah prévoit de déposer un recours auprès de la Cour suprême israélienne mais, comme ils l’ont dit à Amnesty International, « le temps est un luxe que nous n’avons pas ».

« Walid Daqqah et sa famille ne devraient pas avoir à se débattre dans un labyrinthe juridique à un moment aussi douloureux. D’après les évaluations médicales que nous avons examinées, Walid a encore une ou deux années devant lui. Le maintenir en détention jusqu’en 2025 est cruel et inutile, a déclaré Heba Morayef.

« Nous demandons aux autorités israéliennes de libérer Walid Daqqah, de cesser de refuser systématiquement les soins médicaux adéquats aux prisonniers palestiniens malades et de veiller à respecter toutes les normes internationales relatives au traitement des prisonniers. »