Les autorités algériennes doivent immédiatement remettre en liberté trois avocats de la défense et abandonner les poursuites les visant, après qu’ils ont été arrêtés et inculpés pour avoir défendu leurs clients et exercé leur droit à la liberté d’expression, a déclaré Amnesty International mardi 14 juin. Le procès d’Abderraouf Arslane s’ouvre mercredi 15 juin, plus d’un an après son arrestation.
Il doit répondre d’accusations en relation avec son travail de défense de militants politiques, tandis que ses collègues Abdelkader Chohra et Yacine Khlifi sont jugés pour avoir protesté contre la mort suspecte d’un militant en détention. Ces trois hommes se trouvent actuellement en détention provisoire dans l’attente de leurs procès.
L’Algérie a l’obligation de protéger le droit des personnes à un procès équitable, ce qui est impossible sans une assistance juridique digne de ce nom. Les avocats doivent être autorisés à exercer leur profession et à s’exprimer sans craindre de faire l’objet d’une arrestation ou d’actes d’intimidation.
Amna Guellali, Amnesty International
« En soumettant ces avocats à une détention et des poursuites injustifiées, les autorités envoient le message glaçant que défendre les personnes incarcérées pour des motifs politiques n’est pas toléré en Algérie », a déclaré Amna Guellali, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« L’Algérie a l’obligation de protéger le droit des personnes à un procès équitable, ce qui est impossible sans une assistance juridique digne de ce nom. Les avocats doivent être autorisés à exercer leur profession et à s’exprimer sans craindre de faire l’objet d’une arrestation ou d’actes d’intimidation. »
Abderraouf Arslane a été arrêté le 26 mai 2021 au tribunal de Tébessa, où il défendait trois militants du Hirak, le mouvement de protestation de masse appelant à des changements politiques en Algérie depuis 2019. Il a été placé en détention provisoire en raison de ses liens présumés avec le mouvement politique non enregistré Rachad et après avoir exprimé ses opinions en ligne, puis a été accusé de « propagation de fausses informations » et d’infractions liées au terrorisme. Sa première audience doit avoir lieu mercredi 15 juin 2022, soit plus d’un an après son arrestation.
Abdelkader Chohra a été arrêté par les forces de sécurité le 14 mai 2022 alors qu’il participait à un rassemblement pacifique devant la prison d’Al Kliaa à Tipaza, afin de protester contre la mort suspecte de Hakim Debbazi, qui a perdu la vie après avoir été placé en détention provisoire.
Yacine Khlifi a été convoqué par la police d’Alger le 31 mai 2022. Un de ses avocats, qui a demandé à garder l’anonymat par crainte de représailles, a déclaré à Amnesty International qu’il avait assisté, au poste de police, à l’interrogatoire de Yacine Khlifi relatif à une vidéo que celui-ci avait diffusée et qui portait sur la mort suspecte de Hakim Debbazi. Dans cette vidéo, Yacine Khlifi a également critiqué le ministère de la Justice pour sa communication inadéquate autour du décès de Hakim Debbazi, et a laissé entendre que deux autres détenus étaient morts dans des circonstances suspectes à la prison de Chlef au cours des deux semaines précédentes.
Abdelkader Chohra et Yassine Khlifi sont détenus pour « propagation de fausses informations » et « incitation à attroupement non armé ».
« Les autorités algériennes ont, au cours de l’année écoulée, placé au moins deux autres avocats en détention parce qu’ils essayaient de faire la lumière sur des décès suspects en prison, ce qui montre à quel point la répression s’est généralisée en Algérie », a déclaré Amna Guellali.
Complément d’information
L’assistance juridique est essentielle au droit à un procès équitable, qui est inscrit dans de nombreux traités contraignants pour l’Algérie, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Aux termes des Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du barreau, les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats « puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue » ; en outre, les avocats « ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l’exercice de leurs fonctions ».
En 2014, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats a émis des mises en garde à propos de cas dans lesquels des avocats ont été sanctionnés, et a demandé aux gouvernements de s’abstenir : de condamner des avocats au pénal ou de les radier du barreau dans le but de les réduire au silence ; de les empêcher de critiquer des politiques publiques ; ou d’entraver leur travail d’assistance juridique auprès de clients spécifiques