La grave épidémie de COVID-19 qui s’est déclarée à la prison de Jaww ces dernières semaines illustre de manière saisissante le fait que les autorités ne respectent pas l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et n’assurent pas le droit des détenus à la santé, a déclaré Amnesty International le 9 avril 2021.
Des témoignages de membres de la famille de détenus indiquent que de nombreux cas de COVID-19 ont été recensés parmi les détenus et dressent un tableau bien sombre des conditions de détention dans la prison, qui étaient déjà difficiles du fait de la surpopulation, ce qui met gravement en doute les récentes déclarations du gouvernement selon lesquelles l’épidémie serait maîtrisée.
Les détenus n’ont pas bénéficié de masques ou de produits hygiéniques, et les autorités n’ont jamais mis en place d’autres mesures de prévention, comme des tests de dépistage réguliers. L’administration pénitentiaire n’a pas fait preuve d’une transparence suffisante quant au nombre de cas de COVID-19 et les détenus malades ont subi des restrictions des communications avec leur famille.
Le gouvernement et les autorités pénitentiaires bahreïnites ont l’obligation claire de garantir le droit à la santé des personnes en détention et de les protéger des risques de contamination. Ils ne peuvent pas jouer avec la vie des personnes qu’ils détiennent.
Lynn Maalouf, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International
Les autorités doivent veiller à ce que tous les détenus reçoivent des masques et des produits d’hygiène adaptés et à ce qu’ils puissent assurer une distanciation physique et bénéficier de tests de dépistage réguliers », a déclaré Lynn Maalouf, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
Dans le contexte de la pandémie, il est particulièrement important de remédier à la surpopulation de longue date de la prison de Jaww, compte tenu de la difficulté d’assurer une distanciation physique.
Le ministère de l’Intérieur bahreïnite a révélé l’épidémie le 23 mars, indiquant que trois cas avaient été confirmés. Il n’a par la suite pas fourni d’informations mises à jour sur le nombre de contaminations.
Entre le 31 mars et le 9 avril, Amnesty International s’est entretenue avec des membres de la famille de six détenus. Des membres de la famille de détenus ont déclaré à l’organisation que, grâce à un système en ligne de statut de dépistage disponible sur le site Internet du ministère de l’Intérieur, ils avaient pu constater que des dizaines de cas de COVID-19 avaient été recensés parmi les détenus. Des membres de la famille de détenus et des militant·e·s en faveur des droits humains bahreïnites ont fourni des listes concordantes à Amnesty International, avec les noms de plus de 70 détenus qui auraient été contaminés.
Grave surpopulation
La surpopulation reste un grave problème à la prison de Jaww, malgré la libération de près de 1 500 détenus en mars 2020 en raison de la pandémie. Aucun des 12 représentants de la société civile détenus injustement dans le bâtiment 7 et dont Amnesty International a demandé la libération immédiate et sans condition n’a été libéré.
Amnesty International a reçu des informations indiquant qu’au moins une dizaine de personnes sont détenues dans des cellules d’à peine trois mètres par quatre mètres et demi. Même lorsqu’elles ne sont pas surpeuplées, les cellules de la prison ne respectent pas les normes internationales minimales en matière d’espace au sol requis par détenu. L’Ensemble révisé de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) établit l’obligation juridique des autorités de réduire la surpopulation, de fournir un hébergement convenable et de veiller à ce que les détenus puissent communiquer avec leur famille.
Il n’est pas rare qu’une dizaine, voire plus, de détenus soient emprisonnés dans une cellule conçue pour huit personnes.
Les autorités bahreïnites doivent de toute urgence remédier à la surpopulation de la prison de Jaww, en commençant par libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, notamment en libérant immédiatement et sans condition toutes les personnes emprisonnées pour avoir simplement exercé leurs droits », a déclaré Lynn Maalouf.
Absence de mesures de prévention
Bien que les autorités bahreïnites aient pris la mesure positive de permettre aux détenus de s’inscrire pour être vaccinés contre le COVID-19 et aient déjà vacciné certaines de ces personnes, les mesures de prévention destinées à lutter contre la pandémie à la prison de Jaww ont été largement insuffisantes.
Les autorités pénitentiaires n’ont pas distribué de masques ou de gel hydroalcoolique aux personnes en détention. De plus, les détenus n’ont reçu aucun produit d’hygiène personnelle gratuitement et doivent acheter ces produits (savon, désinfectant, chiffons, serviettes) à la cantine de la prison. Sayed Ahmed al Wadaei, un défenseur des droits humains de l’Institut de Bahreïn pour les droits et la démocratie, a déclaré à Amnesty International que son beau-frère Sayed Nizar, qui est emprisonné, n’avait pas été autorisé à se rendre à la cantine pendant environ un mois et demi avant l’épidémie de la prison de Jaww. Sayed Nizar fait maintenant partie des personnes ayant contracté le COVID-19 à la prison de Jaww, ce que sa famille a découvert en consultant le système en ligne du ministère de l’Intérieur.
Le 28 mars, le gouvernement bahreïnite avait affirmé que tous les détenus qui avaient été testés positifs au COVID-19 avaient été isolés, avaient reçu des traitements adaptés et étaient autorisés à appeler leur famille « dans les meilleurs délais ». Cependant, les familles de trois détenus différents ont déclaré à Amnesty International qu’elles n’avaient pas reçu les appels habituels de leur proche emprisonné entre le 28 mars et le 3 avril.
« Non seulement les autorités bahreïnites n’ont pas révélé l’ampleur réelle de l’épidémie à la prison de Jaww, mais elles n’ont en plus pas permis à de nombreux détenus souffrant du COVID-19 d’effectuer leur appel hebdomadaire à leur famille, ce qui a privé les familles de communication avec leurs proches malades et a entraîné une grave inquiétude injustifiée », a déclaré Lynn Maalouf.
Amnesty International a déjà par le passé dénoncé le fait que les détenus de la prison de Jaww se voient souvent refuser l’accès à des soins médicaux adaptés, et l’insuffisance des installations et des produits d’hygiène représente depuis longtemps une source d’inquiétude. Le 30 décembre 2019, par exemple, le ministère de l’Intérieur avait reconnu que 57 détenus de la prison de Jaww souffraient d’une « maladie de la peau ». Un membre de la famille d’un détenu emprisonné dans le bâtiment 12 a déclaré à Amnesty que cette maladie avait été causée par la gale, une maladie infectieuse liée à la surpopulation et à des conditions de vie insalubres.
L’inquiétude pour les personnes emprisonnées dans le contexte de l’épidémie de COVID-19 a entraîné des manifestations dans plusieurs villes de Bahreïn ces dernières semaines pour appeler à la libération de détenus. L’épouse de Mohamed Ramadhan, un détenu condamné à mort à l’issue de procédures iniques, a déclaré à Amnesty International que son beau-père et son beau-frère avaient été convoqués à un commissariat pour être interrogés après avoir participé à une manifestation dans la ville d’al Dair.
Mise à jour : Le soir du 9 avril 2021, Bahreïn a libéré Mohammed Hassan Jawad, également connu sous le nom de Mohammed Jawad Parweez, l’un des 12 membres de la société civile dont il est question dans ce communiqué de presse, ainsi que plusieurs autres prisonniers. Mohammed Hassan Jawad purgeait une peine de 15 ans d’emprisonnement en raison de sa participation au soulèvement de février 2011.