Les autorités égyptiennes doivent mettre un terme à la répression incessante visant les médias et garantir la libre circulation de l’information, qui est particulièrement essentielle dans le contexte actuel d’urgence sanitaire liée au COVID-19, a déclaré Amnesty International dimanche 3 mai.
À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’organisation a publié un nouveau document sur les attaques des autorités égyptiennes contre les journalistes et autres professionnels des médias, en présentant notamment des exemples de censure gouvernementale, d’ingérence dans les salles de rédaction et de blocage de publications et de sites Internet.
« Depuis 2016, les autorités d’Égypte ont fait subir toute une série de violations des droits humains à des journalistes et d’autres professionnels des médias qui n’ont fait que leur travail ou exprimé simplement leurs opinions.
Plusieurs dizaines de journalistes ont été arrêtés arbitrairement pour de fausses accusations de “terrorisme” ou ont subi des perquisitions sur leur lieu de travail
Philip Luther, directeur de la recherche et du plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Les autorités égyptiennes doivent permettre aux journalistes de faire leur travail sans crainte de représailles. Elles doivent aussi libérer immédiatement et sans condition tous les journalistes emprisonnés uniquement pour avoir exercé leur métier ou leur droit à la liberté d’expression, et enquêter sur toutes les allégations de disparition forcée, de torture et d’autres mauvais traitements sur la personne de journalistes. »
En mars, les forces de sécurité ont arrêté un journaliste égyptien qui avait remis en cause les statistiques officielles concernant l’épidémie de COVID-19 sur sa page Facebook personnelle. Il a été détenu dans un lieu tenu secret, sans aucun contact avec l’extérieur, pendant près d’un mois avant d’être présenté devant le parquet pour être inculpé de « diffusion de fausses nouvelles » et de « participation à une organisation terroriste ».
Ces dernières années, au moins cinq organes de presse ont subi une descente de police ou une fermeture et des centaines de sites Internet, à la fois locaux et internationaux, ont été bloqués. Au moins 37 journalistes sont actuellement derrière les barreaux simplement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, dont 20 directement en lien avec leur travail journalistique.
Amnesty International a interrogé 32 personnes, parmi lesquelles des journalistes, leurs avocats et leurs proches. Le document publié par l’organisation montre que les autorités égyptiennes sont promptes à qualifier toute critique à leur égard d’« utilisation abusive » des réseaux sociaux et toute information allant à l’encontre de celles fournies par l’État de « fausses nouvelles ».
L’Agence de sécurité nationale (NSA), une unité spéciale de la police, interroge régulièrement des journalistes accusés d’infractions liées au « terrorisme » au sujet de leurs publications, sources et financements, apportant la preuve que les autorités traitent toute forme de critique ou d’opposition pacifique comme des actions « terroristes ».
Depuis que le président Abdel Fattah al Sissi est au pouvoir, les attaques contre les journalistes et les médias se sont multipliées, en particulier à l’encontre des organes de presse jugés favorables aux Frères musulmans. Cependant, à la suite des critiques dans certains médias en réaction à leur décision de rétrocéder Tiran et Sanafir, deux îles de la mer Rouge, à l’Arabie saoudite en 2016, les autorités semblent avoir adopté des tactiques plus généralisées visant à faire taire toute forme de critique. Cet assaut permanent contre la liberté d’expression dans les médias s’inscrit dans le contexte de l’acquisition de la plupart des groupes de presse privés égyptiens par des entreprises proches des Renseignements généraux (GIS) depuis 2017, selon une enquête du média indépendant Mada Masr.
« Les autorités égyptiennes ont fait comprendre très clairement que quiconque contesterait le discours officiel serait sanctionné sévèrement. Il faut qu’elles cessent toutes les formes de censure, de harcèlement et d’intimidation à l’encontre des journalistes, et qu’elles desserrent leur étau autour de l’accès du public à l’information », a déclaré Philip Luther.