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05.09.2018
Par leur absence de réaction, les dirigeants mondiaux ont permis aux membres des forces de sécurité du Myanmar responsables de crimes contre l’humanité d’être toujours en liberté un an après leur campagne meurtrière contre les Rohingyas qui a provoqué un exode d’une ampleur considérable, a déclaré Amnesty International le 24 août 2018.
Plus de 700 000 femmes, hommes et enfants rohingyas ont fui le nord de l’État d’Arakan pour gagner le Bangladesh, après que les forces de sécurité du Myanmar ont lancé une vaste attaque systématique contre des centaines de villages rohingyas le 25 août 2017. L’offensive a été lancée en réponse à une série d’attaques menées contre des postes de sécurité par l’Armée du salut des Rohingyas de l’Arakan (ARSA), un groupe armé rohingya.
Amnesty International a recueilli de nombreuses informations démontrant que l’offensive militaire s’apparentait à un nettoyage ethnique. Dans le cadre de cette offensive, des villages rohingyas ont été incendiés, des mines terrestres ont été utilisées et des crimes contre l’humanité ont été commis contre des Rohingyas, notamment des homicides, des viols, des actes de torture, des famines organisées, ainsi que des expulsions forcées entre autres graves violations des droits humains.
« Cet anniversaire est un jalon honteux. L’absence persistante d’action de la communauté internationale en vue d’amener les responsables présumés de crimes contre l’humanité à rendre des comptes risque de laisser entendre non seulement que l’armée du Myanmar restera impunie, mais également qu’elle pourra librement commettre de nouveau de telles atrocités. Nous devons veiller à ce que cela ne se produise pas », a déclaré Tirana Hassan, directrice du programme Réaction aux crises à Amnesty International.
« Un an après avoir fui cette offensive parfaitement orchestrée, des centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants rohingyas sont toujours dans une situation d’incertitude dans des camps de réfugiés au Bangladesh. Tant que leurs tortionnaires des forces de sécurité du Myanmar resteront en liberté, il est absurde de penser que les réfugiés rohingyas pourraient rentrer chez eux de manière sûre, digne et volontaire. »
Une situation d’apartheid bien établie
En juin 2018, des agences des Nations unies et le gouvernement du Myanmar ont signé un protocole d’accord décrit comme le « premier pas » vers le rapatriement des réfugiés rohingyas qui se sont enfuis au Bangladesh. Bien qu’une version presque finale de ce protocole d’accord ait été divulguée, la version finale n’a jamais été rendue publique.
Mais de vastes réformes sont nécessaires dans le nord de l’État d’Arakan pour que les futurs rapatriements soient viables. Amnesty International et d’autres organisations ont recueilli des informations sur la répression féroce exercée par les forces armées du Myanmar en réaction aux attaques de l’ARSA d’août 2017, sur fond de pratiques anciennes de discrimination et de ségrégation, constituant de fait un véritable apartheid et donc un crime contre l’humanité.
« Renvoyer les réfugiés rohingyas des camps surpeuplés du Bangladesh vers ce qui s’apparente à une prison à ciel ouvert dans l’État d’Arakan n’est pas une solution envisageable. Les États du monde doivent faire pression pour que le Myanmar démantèle son système d’apartheid et permette aux Rohingyas et à toutes les autres minorités ethniques de bénéficier de leur droit à la nationalité et de leur droit de circuler librement », a déclaré Tirana Hassan.
La Mission d’établissement des faits des Nations unies et son rapport
Le rapport à venir de la Mission d’établissement des faits des Nations unies sur le Myanmar apportera un nouvel élément important à la montagne d’éléments prouvant que des crimes relevant du droit international ont été commis contre les Rohingyas et contre des minorités ethniques dans l’État kachin et dans le nord de l’État chan, où Amnesty International a recensé des crimes de guerre et où des civils continuent d’être victimes de graves atteintes.
Les autorités du Myanmar continuent d’imposer de sévères restrictions à l’accès de l’aide humanitaire dans ces deux régions, ce qui a de très graves conséquences pour les civils.
« C’est l’absence de volonté politique, et non pas d’éléments de preuve, qui est à l’origine de l’inaction de la communauté internationale. Il est indéniable que les forces de sécurité du Myanmar ont commis des crimes à l’encontre des Rohingyas. Et pendant que la communauté internationale traine des pieds pour décider de la réponse à apporter, des éléments de preuve essentiels risquent de disparaitre ou d’être détruits », a déclaré Tirana Hassan.
Cesser de balayer les atrocités sous le tapis
Fin mai 2018, face aux pressions internationales de plus en plus vives, les autorités du Myanmar ont annoncé la mise en place d’une Commission d’enquête indépendante chargée d’examiner les allégations de violations des droits humains dans l’État d’Arakan. Les précédentes commissions mises en place n’ont mené à guère plus que des parodies d’enquêtes destinées à étouffer les atrocités commises par l’armée. Lors d’une conférence de presse au début du mois d’août, la présidente de la Commission a déclaré qu’il ne s’agirait en aucun cas de « pointer du doigt », « d’accuser » ou de « dire “vous êtes responsables” », ce qui indique clairement que cette commission ne sera pas différente des précédentes.
« Les autorités du Myanmar ne doivent pas être autorisées à utiliser une commission nationale d’enquête pour balayer sous le tapis les atrocités commises contre les Rohingyas. C’est la voie qui a déjà été empruntée par le passé et il est clair que les autorités essaient de gagner du temps en attendant que le monde passe à autre chose », a déclaré Tirana Hassan.
Un moment clef pour l’obligation de rendre des comptes
Dans le rapport de juin 2018 intitulé « Nous allons tout détruire », Amnesty International a identifié 13 personnes, dont le général Min Aung Hlaing, commandant en chef des forces armées du Myanmar, ayant joué un rôle clef dans les atrocités commises contre les Rohingyas.
L’organisation a recommandé des mesures concrètes pour amener ces personnes et d’autres à rendre des comptes, notamment la saisie de la Cour pénale internationale (CPI) par le Conseil de sécurité de l’ONU et la mise en place d’un mécanisme international avec pour mandat et pour compétence de collecter et de conserver des éléments de preuve qui pourront être utilisés dans de futures procédures pénales.
Bien que le Canada, les États-Unis et l’Union européenne aient annoncé l’imposition de sanctions ciblées contre certains des responsables présumés ces derniers mois, il reste beaucoup à faire à l’échelle des Nations unies pour assurer l’obligation de rendre des comptes.
« Il est indispensable que des mesures solides et décisives soient prises lors de la réunion du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale de l’ONU le mois prochain, afin d’ouvrir la voie à la justice pour les Rohingyas et les minorités ethniques du nord du Myanmar. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit de toute urgence saisir la Cour pénale internationale au sujet de la situation. La menace du droit de veto n’excuse pas l’inaction. Il est indispensable de profiter de cette occasion clef », a déclaré Tirana Hassan.
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