[vc_row full_width=”stretch_row_content_no_spaces”][vc_column][vc_single_image image=”1307″ img_size=”full” alignment=”center” label=””][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]Des milliers de civils pris au piège à Raqqa, dans le nord de la Syrie, se retrouvent au cœur des combats alors que la bataille pour reprendre le contrôle de la ville entre dans sa phase finale, a déclaré Amnesty International au terme d’une enquête approfondie menée sur le terrain. Les belligérants doivent accorder la priorité à la protection des civils et créer des couloirs d’évacuation sûrs pour qu’ils puissent quitter le front.
Dans un rapport rendu public le 24 août, Amnesty International relate que des centaines de civils ont été tués ou blessés depuis qu’une offensive a été lancée en juin pour reprendre la « capitale » et principal bastion du groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI).
Des victimes et des témoins ont raconté à Amnesty International qu’ils se retrouvent confrontés aux engins piégés et aux snipers de l’EI, qui cible quiconque tente de fuir, et au barrage incessant des tirs d’artillerie et des frappes aériennes des forces de la coalition que dirige les États-Unis, combattant aux côtés du groupe armé des Forces démocratiques syriennes (FDS). En outre, des victimes ont raconté que les forces gouvernementales syriennes appuyées par la Russie bombardent également les civils dans les villages et les camps situés au sud du fleuve, y compris en utilisant des bombes à sous-munitions interdites par le droit international.
« Alors que la bataille pour arracher Raqqa à l’État islamique s’intensifie, des milliers de civils sont pris au piège dans un labyrinthe mortel où ils essuient les tirs de toutes parts. Sachant que l’EI utilise des civils comme boucliers humains, les forces des FDS et de la coalition doivent redoubler d’efforts pour protéger les civils, notamment en s’abstenant de mener des frappes disproportionnées ou sans discrimination et en créant des passages sûrs leur permettant de quitter la ville, a déclaré Donatella Rovera, conseillère pour les situations de crises à Amnesty International, qui a dirigé l’enquête sur le terrain.
« La situation va devenir encore plus dangereuse, alors que la bataille atteint sa phase finale dans le centre de la ville. Il est possible de faire davantage – et il le faut – pour préserver la vie des civils pris au piège du conflit et faciliter leur évacuation en toute sécurité loin du champ de bataille. »
Le 6 juin, les FDS et les forces de la coalition ont lancé la phase finale de l’opération visant à reprendre le contrôle de Raqqa, aux mains de l’EI. Mi-juillet, les forces syriennes épaulées par la Russie ont lancé des frappes aériennes contre des villages et des camps pour personnes déplacées, au sud de la ville. Des centaines de civils ont été tués ou blessés dans des attaques menées par toutes les forces en présence depuis le début de ces nouvelles offensives.
On ignore combien de civils sont encore pris au piège dans la ville de Raqqa. L’ONU estime qu’ils sont entre 10 000 et 50 000. Beaucoup, sans doute la plupart, seraient retenus comme boucliers humains dans la vieille ville et d’autres quartiers contrôlés par l’EI.
L’« enfer » des frappes incessantes
Les civils encore assiégés à Raqqa sont très exposés aux intenses tirs d’artillerie et aux frappes aériennes plus limitées que mènent les forces de la coalition en se basant sur les coordonnées fournies par les FDS combattant sur le terrain.
Parmi les civils qui ont pu quitter la ville, beaucoup ont déclaré que ces attaques incessantes et souvent imprécises se traduisent par une forte hausse du nombre de victimes civiles ces dernières semaines et ces derniers mois.
Daraiya, à l’ouest du centre de la ville de Raqqa, est l’un des quartiers qui a été lourdement bombardé par les forces de la coalition, notamment du 8 au 10 juin.
Un habitant de Daraiya a raconté : « C’était l’enfer, de nombreux obus ont frappé le quartier. Les habitants ne savaient pas quoi faire pour survivre. Certains couraient d’un endroit à un autre… et ont fini par se faire bombarder. Les FDS et la coalition ne savaient-ils pas que l’endroit était plein de civils ? Nous étions coincés là… parce que Daesh [EI] ne nous laissait pas partir. »
Un autre habitant a raconté qu’une dizaine d’obus ont frappé un quartier de maisons à un seul niveau à Daraiya le 10 juin, tuant au moins 12 personnes dans plusieurs habitations, dont un homme de 75 ans et un bébé de 18 mois : « Les obus frappaient une maison après l’autre. C’était indescriptible, on aurait dit la fin du monde – le bruit, les gens qui hurlent. Je n’oublierai [jamais] ce carnage. »
Par ailleurs, des victimes ont déclaré à Amnesty International que les forces de la coalition prennent pour cibles les bateaux qui traversent l’Euphrate, l’une des seules voies sûres pour les civils qui tentent de fuir la ville.
Le 2 juillet, le commandant de la coalition, le lieutenant-général américain Stephen J. Townsend, a déclaré au New York Times : « Nous abattons tous les bateaux que nous repérons. » Les forces de la coalition ont largué des tracts en mars 2017, avertissant : « Daesh utilise des bateaux et des ferries pour transporter des armes et des combattants – n’utilisez ni bateaux ni ferries, les frappes aériennes vont commencer. »
« La traversée du fleuve est l’une des principales voies d’évacuation pour les civils qui fuient le conflit à Raqqa. Frapper ” chaque bateau ” – en se fondant sur l’hypothèse erronée qu’il transporte des combattants de l’EI ou des armes – est un acte mené sans discrimination et interdit par les lois de la guerre », a déclaré Donatella Rovera.
Pris au piège des combats
L’EI met en œuvre diverses stratégies pour empêcher les civils de fuir Raqqa, notamment en les utilisant comme boucliers humains. Les combattants de l’EI posent des mines terrestres et des engins piégés le long des itinéraires permettant de sortir de la ville, installent des postes de contrôle autour de la ville pour limiter les déplacements et tirent sur ceux qui tentent de s’enfuir.
La ligne de front étant très mouvante, les civils sont particulièrement exposés.
Mahmouda, une habitante qui a fui le quartier de Daraiya, a déclaré à Amnesty International : « La situation était terrible… L’EI ne nous laissait pas partir. Nous n’avions ni nourriture, ni électricité. Les espions au service de la police religieuse étaient nombreux. Ils nous assiégeaient avec des snipers. Si vous êtes touché par un sniper, vous mourez chez vous. Il n’y a aucun médecin. » Alors que la bataille entre dans sa phase finale, la situation pour les civils s’aggrave.
Reem, une autre habitante de Daraiya, a expliqué que les combattants de l’EI ont commencé à obliger les gens à s’installer dans l’enceinte de la vieille ville, où ils sont censés se retrancher : « Ils [l’EI] sont revenus frapper à notre porte et nous ont dit que nous avions une demi-heure pour nous rendre dans la vieille ville. Si vous refusez, ils vous accusent d’être un agent du PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan] et menacent de vous conduire en prison. »
« En s’infiltrant dans les quartiers civils à Raqqa et en se servant des civils comme boucliers humains, les combattants de l’EI noircissent encore leur terrible bilan en matière de violations systématiques et flagrantes des lois de la guerre », a déclaré Donatella Rovera.
Des bombes à sous-munitions interdites
Tandis que les civils à Raqqa paient le prix fort des combats, les villageois dans les zones contrôlées par l’EI au sud de l’Euphrate subissent l’offensive des forces gouvernementales syriennes appuyées par la Russie, qui ont lancé des frappes aériennes aveugles à partir de mi-juillet, tuant au moins 18 civils et en blessant bien davantage.
D’après la description détaillée faite à Amnesty International par des victimes, les forces gouvernementales syriennes ont largué des bombes à sous-munitions prohibées par le droit international, ainsi que des bombes non guidées sur des zones où les civils déplacés par le conflit s’étaient réfugiés dans des campements de fortune, le long des canaux d’irrigation, près de l’Euphrate.
Plusieurs témoins ont raconté que les forces russes ont largué quatre bombes à sous-munitions sur le camp de Sabkha le 23 juillet, tuant une dizaine de civils, dont un bébé de 18 mois. Trente autres personnes ont été blessées.
« Nous savons qu’il s’agissait de bombes à sous-munitions parce que nous n’avons pas entendu une grosse explosion à un endroit, mais plein de petites explosions sur une très large zone. Les explosions ont mis le feu aux tentes, et nous avons tout perdu », a déclaré Zahra al Mula, qui a perdu quatre membres de sa famille dans cette attaque.
Le lendemain, d’autres bombes à sous-munitions ont été larguées sur le camp de Shuraiyda, situé à deux kilomètres à l’est. Amnesty International a rendu visite à des victimes dans un hôpital local, dont Usama, un adolescent de 14 ans grièvement blessé à l’abdomen et aux membres. Il a perdu sept proches dans l’attaque.
Des habitants des villes situées au sud de Raqqa ont raconté avoir fui des frappes aériennes menées sans discrimination dans la zone mi-juillet.
« Ceux qui sont assiégés à Raqqa sont en butte à de terribles violences aux mains de l’EI – cela ne fait aucun doute. Toutefois, les violations commises par l’EI n’amenuisent pas les obligations internationales des autres belligérants en matière de protection des civils. Il s’agit notamment de choisir des cibles légitimes, de ne pas mener de frappes disproportionnées ou sans discrimination, et de prendre toutes les précautions possibles pour réduire au minimum les dommages causés aux civils », a déclaré Donatella Rovera.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]